barcelone by sébastien GAUDIN

Arrêtons d’optimiser le delivery : on livre vite… mais pour rien

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On se félicite de livrer dans les temps, d’améliorer la vélocité des équipes, de tenir les roadmaps. Mais soyons honnêtes : combien de ces “succès” se traduisent réellement en valeur pour l’utilisateur et en impact business ?
L’obsession du delivery est une illusion de performance. Une organisation peut être très mature en agilité et pourtant s’épuiser à s’agiter, si sa vision, ses choix stratégiques et son backlog ne sont pas orientés vers la création de valeur.
Le vrai sujet : prendre des décisions en pleine conscience des problèmes et attentes utilisateurs, les ajuster en continu grâce aux feedbacks, et inscrire une vision claire dans cette analyse pour être pertinente… donc efficace.

L’UX comme boussole stratégique (et baromètre de décision)

Pour Rachel Dubois, UX et spécialiste du Product Operating Model, la vraie question n’est pas « livrer plus vite », mais créer de la valeur vécue par les utilisateurs.
Une entreprise peut être un modèle d’agilité opérationnelle, mais sans vision claire et orientée valeur, elle ne fait qu’accélérer dans le vide.
La prise de décision doit partir d’une compréhension claire et partagée des problèmes à résoudre et des attentes utilisateurs — pas d’intuitions isolées ni d’habitudes organisationnelles. Ces décisions doivent ensuite être testées, mesurées et ajustées en continu : c’est seulement en confrontant les choix au réel que la vision reste pertinente et efficace.

  • L’UX n’est pas un habillage : c’est une boussole et un baromètre.
  • Les Product Managers et Product Owners ne sont pas des « chefs de backlog » : ce sont vos relais pour transformer la stratégie en expériences utiles, mesurables et évolutives.
  • La vision doit être claire, arrimée à la valeur, et suffisamment souple pour s’inscrire dans une analyse continue du terrain.

Les leviers pour sortir de l’agitation

  1. Redéfinir le “Definition of Done” : une feature est finie seulement quand elle a prouvé son utilité dans les usages et contribué à la stratégie. Preuves quantitatives et qualitatives requises.
  2. Prendre des décisions en pleine conscience — puis les ajuster : mappez le problème utilisateur, formulez une hypothèse, testez vite, mesurez, apprenez, itérez. Les arbitrages qui ne passent pas par ce cycle sont des paris aveugles.
  3. Mesurer la qualité (et la vitesse) des décisions : combien de temps entre l’identification d’un besoin utilisateur et la première solution testée ? Suivez ce lead time décisionnel, pas seulement le lead time technique.
  4. Remplacer les roadmaps figées par des hypothèses : promettez de résoudre des problèmes, pas de livrer des fonctionnalités. Structurez vos plans en « hypothèses à valider ».
  5. Investir dans le trio Produit–Tech–Design : ce n’est pas une dépense cosmétique. C’est un levier pour réduire les risques, accélérer la validation et créer une valeur durable.
  6. Orienter backlog et arbitrages sur la valeur : ne tombez pas dans le piège d’un backlog rempli de tâches “agiles” mais déconnectées de la stratégie. La discipline, c’est de prioriser ce qui sert la vision et l’utilisateur, pas ce qui occupe les équipes.

Décideurs : la responsabilité (et l’opportunité) vous reviennent

Ne vous trompez pas de combat.

Optimiser le delivery sans améliorer vos arbitrages stratégiques, c’est comme mettre un moteur de course dans une voiture sans volant.

Être “mature en agilité” sans orientation claire vers la valeur, c’est comme courir vite sur un tapis roulant : ça épuise, mais ça n’avance pas.

Refuser d’intégrer l’UX dans vos décisions, c’est courir vite vers l’inutile. Il faut accepter que votre vision, votre connaissance du marché, de vos concurrents voire votre expertise métier biaisent votre perception du besoin et des attentes des clients… et ne vous aident pas à prendre les meilleures décisions pour eux.

Prendre de bonnes décisions demande trois choses : une connaissance empirique des problèmes utilisateurs, une vision claire mais adaptable et orientée valeur, et une culture qui oblige à vérifier ses paris sur le terrain. Si votre organisation ne sait pas répondre à ces trois points, vos gains de vélocité ne feront que masquer votre inefficience.

Si vos équipes livrent bien mais que vos utilisateurs ne s’y retrouvent pas, le problème, ce n’est pas le delivery. Ce n’est même pas votre agilité.
C’est votre vision et vos décisions.

Il est temps de changer de mentalité : mettre les utilisateurs au centre, orienter la vision et les choix stratégiques sur la valeur, exiger des décisions prises en pleine conscience des problèmes réels, et donner aux équipes produit et design les moyens de transformer ces décisions en valeur tangible et mesurable.

5 questions à se poser en CODIR dès demain

  1. Quelle part des fonctionnalités livrées cette année est réellement utilisée par nos clients/utilisateurs ?
  2. Quel problème utilisateur avons-nous résolu lors de notre dernière release majeure ?
  3. Notre vision est-elle formulée en termes de valeur créée, ou en termes de fonctionnalités livrées ?
  4. Combien de temps s’écoule entre l’identification d’un besoin utilisateur et la première solution testée ?
  5. Nos Product Managers et Owners sont-ils positionnés comme relais de la stratégie et garants de la valeur, ou cantonnés à la gestion de backlog ?

Si vous ne pouvez pas répondre clairement à ces questions, ce n’est pas un problème de delivery ni de maturité agile.
C’est un problème de vision et de décision.

Parlons-en !