En tant qu’UX Designer, on parle souvent d’accessibilité numérique, d’expérience inclusive, de clarté des messages.
Mais si je vous disais que l’inclusion commence parfois… par un accent ? Ou plus généralement par un diacritique, en partie pour éviter les homographes ?
Oui, les majuscules aussi ont droit à leurs accents. Et ce n’est pas un caprice de puriste : c’est une question de langue, de lisibilité et de respect.
D’abord, une affaire de langue française
En français, les majuscules doivent être accentuées.
C’est une règle officielle, validée par l’Académie française et par l’Imprimerie nationale.
Pourquoi ? Parce que, selon les mots de l’Académie, « l’accent a pleine valeur orthographique, même sur une majuscule. »
Autrement dit, l’accent n’est pas un simple ornement graphique, il fait partie intégrante de l’orthographe.
Un mot sans accent n’est pas seulement “moins joli” : il est potentiellement incorrect ou ambigu voire porteur d’un autre sens.
Quand l’absence d’accent brouille le sens
Sans accent, certains mots changent totalement de signification.
Quelques exemples concrets d’homographes :
| Sans accent | Avec accent | Différence de sens |
|---|---|---|
| INTIME | INTIMÉ | étroitement lié VS justiciable |
| TACHE | TÂCHE | une marque salissante VS travail |
| TUE | TUÉ | verbe taire au présent VS participe passé de tuer |
| SUR | SÛR | position VS certitude |
| A | À | verbe avoir vs préposition |
| OU | OÙ | coordination vs indication de lieu |
| CA | ÇA | pronom démonstratif incorrect |
Et dans un titre tout en majuscules, c’est encore plus flagrant :
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“UN INTERNE TUE”
Est-ce un “interne” ou un “interné” ? qui a tué ou a été tué ? Ambiance très différente. -
“UN ETAT SUR”
Certain ou posé sur quelque chose ? -
“SAVOIR OU ALLER”
Chercher une direction ou savoir où aller ? Sans accent, la phrase n’a plus le même sens. -
“CE SOIR AU PALAIS DES CONGRES”
Le congres est un poisson carnassier nocturne, ressemblant à une anguille ? Sans accent, la phrase n’a plus le même sens.
Bref, les accents guident la lecture et garantissent le sens.
L’absence d’accent ralentit la lecture, fait hésiter sur la prononciation, et peut même induire en erreur. Il en va de même pour le tréma et la cédille.
Une question d’accessibilité… numérique et cognitive
En UX, nous parlons souvent d’accessibilité visuelle et cognitive.
Or les accents participent directement à cette accessibilité.
Pour les personnes dyslexiques, ils aident à reconnaître plus facilement la forme et la prononciation d’un mot.
Pour les lecteurs d’écran, ils permettent une lecture correcte : École et Ecole ne seront pas interprétés de la même manière.
Et pour tous les lecteurs, ils rendent le texte plus fluide, plus “français”, plus confortable à lire.
Ne pas mettre les accents sur les majuscules, c’est donc introduire une petite friction dans l’expérience de lecture — une micro-barrière, mais une barrière quand même.
Une affaire d’inclusion et de culture
Mettre les accents, c’est aussi montrer du respect pour la langue et pour celles et ceux qui la lisent.
C’est un acte de considération, au même titre que le contraste des couleurs, l’ordre des tabulations ou la traduction en FALC.
Dans une entreprise qui se dit “inclusive”, on ne peut pas ignorer cet aspect.
Les mots sont aussi des interfaces : ils transmettent, orientent, invitent.
Autant qu’ils le fassent avec justesse et attention.
Et si on (ré-)apprenait cela dès l’école ?
L’absence d’accents sur les majuscules trouve souvent son origine dans… les débuts de l’écriture.
A l’école primaire, on apprend bien à placer les accents sur les minuscules.
Alors que je me souviens avoir appris à écrire mes É, À et Ç, majuscules avec cédilles ou accents, je constate (ayant deux enfants en primaire) que de nos jours cette exigence semble avoir disparu. Est-ce un résultat de la Méthode Globale ?
Ce serait donc un manque de transmission, pas une évolution de la langue.
Or, enseigner dès le plus jeune âge que “É” est aussi correct que “é” serait un vrai geste pour la maîtrise du français et, au fond, pour une culture de la précision et de l’attention à l’autre.
Alors, comment faire concrètement ?
Les outils numériques ne sont plus une excuse.
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Sur Mac, si le clavier Français est, utiliser la touche “ capslock ” , symbolisée par ⇪ et maintenir la touche de la lettre souhaitée (ex. : “E”)., puis de choisir le chiffre correspondant à la variante souhaitée. Exemple : (⇪ + (E long + 1) → É .
Encore plus simple : activer le clavier Numérique (dans les préférences, Réglages Clavier), puis utiliser la touche “ capslock ”, symbolisée par ⇪ et choisir un nombre, comme indiqué sur les touches. Exemple : ⇪+ 2 → É. -
Sur Windows, on peut utiliser des raccourcis clavier. Exemple :
Alt+144pour É,Alt+128pour Ç, etc.).
Ou les paramétrer via le clavier international. -
Sur Linux, activer les touches mortes (“dead keys”) dans les paramètres de clavier ;
Exemple :Compose, puis'puisE→ É, ouCompose+,+C→ Ç ;
Ou configurer la touche Compose sur une touche libre (souvent “Right Alt”). -
Et la plupart des polices web et outils de design (Figma, Notion, Canva…) gèrent désormais les caractères accentués.
Check-list de relecture inclusive (pour pros exigeants)
Avant de publier, imprimer ou livrer un livrable (qu’il s’agisse d’un support de communication, d’un module de formation ou d’une interface digitale), prenez 30 secondes pour vérifier :
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Tous les mots en majuscules portent leurs accents (É, È, À, Ç, Ù, etc.),
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Le texte reste lisible et compréhensible sans effort visuel ni ambiguïté,
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Les lecteurs d’écran prononceront correctement le contenu,
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Le style et le ton respectent la cohérence de la marque et la clarté du message,
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Le texte reflète les valeurs d’inclusion et d’accessibilité que vous défendez.
En conclusion
Mettre les accents sur les majuscules, c’est plus qu’une coquetterie typographique : c’est un acte de rigueur, d’attention et d’inclusion, …
Et dans le design d’expérience, c’est souvent ce genre de “détail” qui fait toute la différence. C’est même l’affaire de tous, designer, product owner, formateur, communicant, rédacteur, journaliste, auteur, manager… qui devient vite une habitude, inclusive.
S’il s’agit d’un support de présentation soutenu à l’oral, on peut créer encore plus de confusion entre la lecture et l’écoute : quand les homographes ont aussi des homophones… et se retrouver au Quart au lieu d’aller à Caen (Vidéo du sketch de Raymond Devos)
Quelques sources, pour ceux qui voudraient aller plus loin :
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Les cinq signes “diacritiques” couramment utilisés dans la langue française sont l’accent aigu, l’accent grave, l’accent circonflexe, le tréma (signes diacritiques suscrits) et la cédille (signe diacritique souscrit).
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Ce que dit l’Académie Française sur l’Accentuation des majuscules.
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Et pour ceux qui auraient besoin de passer à l’État Civil ou de faire une carte vitale, soyez vigilant aux accents lors de vos demandes pour préserver l’orthographe des prénoms et noms, qui ne doit pas être dénaturée. Consulter la Circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil sur les règles d’usage des diacritiques